Les retraites en France et au Royaume-Uni, entre flexibilité et fiscalité
Par Bérangère Hassenforder et Christophe Maulny, Anthony & Cie
Gestion de fortune (n°216), Juin 2011
Comme on a pu le constater ces derniers temps des deux côtés de la Manche, l’actualité a été riche en nouveautés sur le front des retraites.
Les retraites publiques seront accessibles à des âges plus avancés, et passeront de 65 ans à 68 en 2043 en Grande-Bretagne, et à 62 ans en France. Par conséquence, le rôle des retraites privées devient de plus en plus important. Elles ont aussi subi de nombreuses évolutions, et c’est pourquoi nous proposons ici d’en examiner les principales modalités pour les particuliers.
Les futurs retraités britanniques qui auront contribué à des retraites privées pendant de nombreuses années, auront vu en « A Day » (avril 2006) la restructuration complète du cadre légal de ces retraites, ainsi que les récents changements concernant les plafonds de contribution. Qu’ils aient décidé de contribuer dans des Personal Pension Plan, des Self Invested Pension Plan (SIPP), des Company Pension Scheme ou autre Plan, à partir de 55 ans, ils devront décider de la manière dont ils prendront leurs revenus.
De nouvelles règles concernant la distribution des revenus de ces plans ont été mises en place à partir du 6 avril 2011. En France des changements majeurs ont également eu lieu dans ce domaine. Les retraités français et britanniques verront avec bonheur plus de flexibilité dans l’accès aux sommes épargnées. Ceci est une avancée, mais aussi une prise de conscience que la responsabilité de la retraite de chacun a progressivement été transférée de l’Etat aux entreprises, puis maintenant aux particuliers eux-mêmes.
Ces nouveautés prennent en compte l’allongement de la durée de vie et la nécessité de donner plus de flexibilité aux instruments de retraite afin qu’ils soient attractifs et plus facilement utilisables par tous. En assouplissant les règles de fonctionnement de ces outils, nos gouvernants n’ont néanmoins pas oublié les déficits qu’ils ont à combler, et n’ont guère fait de cadeau fiscal à nos retraités.
Une plus grande flexibilité
En modifiant les conditions de sortie du Plan d’Epargne Retraite Populaire (Perp), la France lui a donné un coup de jeune. En effet, depuis sa création en août 2003 (loi Fillon), il n’avait pas rencontré le succès escompté. Pour rappel, lors de la liquidation de la retraite, la totalité des sommes épargnées étaient jusqu’à présent obligatoirement payées sous forme de rente fiscalisée à l’impôt sur le revenu.
De même, en cas de décès de l’épargnant pendant la phase d’accumulation les sommes n’étaient payées aux bénéficiaires uniquement sous forme de rente. A titre de comparaison, en cas de décès de l’épargnant britannique pendant la phase d’épargne, toutes les sommes sont repayées à ses bénéficiaires hors fiscalité.
Mais depuis novembre 2010, le Perp permet également un paiement en capital. Celui-ci s’élève à 20 % de l’épargne, et il est soumis à l’impôt sur le revenu. Les 80 % restants étant obligatoirement versés au retraité sous forme de rente viagère, elle aussi soumise à l’impôt sur le revenu. Si cela peut sembler modeste à un retraité britannique qui, lui, peut accéder à 25 % de son épargne hors fiscalité, du côté français, c’est une véritable évolution. Les autorités britanniques ont-elles aussi modifié les modalités de retraits de l’épargne retraite.
Jusqu’à présent, l’Income Drawdown permettait après une sortie hors fiscalité en capital de 25 % des montants épargnés, d’effectuer des retraits variables d’une année à l’autre dans un cadre défini par l’Inland Revenue.
Le 6 avril 2011, le Capped Drawdown Plan et le Flexible Drawdown Plan ont été introduits. Le Capped Drawdown Plan est très similaire au plan de retrait annuel. Cependant le montant maximum qu’il est possible de retiré annuellement est réduit, et les revues seront plus fréquentes (3 ans). L’obligation dans le cadre de l’Income Drawdown de sécuriser ses revenus à 75 ans est supprimée. Ainsi la possibilité de retirer annuellement des revenus variables et limités se poursuit au-delà de 75 ans, âge auquel le retraité devait jusqu’à présent sécuriser ses futurs revenus ou passer à une rente viagère.
Depuis le 6 avril 2011, un nouveau Flexible Income Drawdown a été mis en place ; le futur retraité aura toute liberté de retirer les sommes qu’il souhaite de son plan de retraite privé, sous réserve de pouvoir prouver, au départ à la retraite, de revenus viagers totalisant £20 000.
Les implications fiscales
En France, depuis le 1er janvier 2011, les versements en capital de plan de retraite tels que le Perp sont fiscalisés à l’impôt sur le revenu, le résident français bénéficie toutefois d’un mécanisme spécifique de quotient qui permet d’atténuer l’effet progressif de l’impôt sur le revenu. Ceci implique que les versements en capital de retraites étrangères perçus par un résident fiscal français seront eux aussi fiscalisés à l’impôt sur le revenu. Il sera alors nécessaire de planifier ces versements en cas de changement de résidence.
En Grande Bretagne, les flexibilités accordées ont été compensées par une augmentation du prélèvement sur les sommes restantes dans le plan au moment du décès. Ce prélèvement est passé de 35 à 55 %. Même dans le cadre du Flexible Drawdown, seuls 25 % des sommes épargnées peuvent être retirées hors impôt, tout autre paiement de l’épargne sera fiscalisé à l’impôt sur le revenu.
En revanche, le poids de la fiscalité sur les sommes restantes dans le Plan, en cas de décès d’un retraité de plus de 75 ans est maintenant de 55 %. Auparavant, les taux combinés des prélèvements pouvaient atteindre 82 %, si ce retraité n’avait pas de conjoint ou ‘dependant’. Bien évidemment un changement de résidence doit prendre en compte tous ces paramètres. L’âge de la retraite peut varier en fonction de la résidence et des circonstances personnelles, les besoins et objectifs personnels étant différents d’un individu à un autre. Et l’organisation qui en découlera variera également.
Pour les épargnants britanniques envisageant une retraite à l’étranger et dont l’épargne est suffisante on pourra également considérer l’option du Qualified Recognized Overseas Pension Scheme (QROPS), qui permet une flexibilité encore plus importante.
Il est important quand on considère ces différents plans de retraite d’évaluer l’avantage de la non-imposition des contributions et de l’accroissement de l’épargne par rapport aux contraintes d’accès aux sommes au moment de la retraite. Il faut également tenir compte des environnements fiscaux imposés par nos gouvernements qui souhaitent étaler l’accès à ces sommes afin de s’assurer que les retraités auront suffisamment de revenus pour leurs vieux jours.
Dans un environnement international, seule une analyse globale de la situation de la personne permettra de planifier au mieux sa retraite prenant en compte les spécificités de ses plans de retraites ainsi que celles de ses lieux de résidence fiscale successifs.
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