5 septembre 2014 à Paris : en signant un nouvel avenant, Pierre Gramegna a mis fin à une niche d’exonération fiscale.
Le quatrième amendement à la convention fiscale entre la France et le Luxembourg, consenti par le Ministre des Finances Luxembourgeois Pierre Gramegna, va restreindre encore un peu plus le potentiel des montages fiscaux (et d’abus aussi) à partir de la place financière par les investisseurs de l’Hexagone. Après un avenant de 2006 qui avait mis fin à l’absence d’imposition sur des immeubles situés en France détenus directement par des sociétés luxembourgeoises, un autre dispositif va disparaître ; ce dernier permettait aux gains tirés de la vente de titres de sociétés, de trusts ou autres entités à prépondérance immobilière d’échapper à l’impôt.
Paris et Luxembourg négocient depuis des années la fin de cette «niche» qui rendait si attractive la création au Grand-Duché de sociétés de participation investies essentiellement dans des biens immobiliers en France. Les opérateurs du secteur financier savaient que le dispositif était en sursis, suite à la pression qu’ont exercés tour à tour les ministres français des Finances sur leurs homologues luxembourgeois.
C’est Pierre Gramegna qui a signé le quatrième avenant, le 5 septembre dernier à Paris, «mettant fin, selon les termes du communiqué du ministère luxembourgeois des Finances, à des situations de non-imposition».
Exemptions de deux côtés de la frontière
Il faut dire que le vieux texte a donné lieu à pas mal d’abus de droit de la part des investisseurs. Paris avait cherché à faire plier les Luxembourgeois en 2006, lorsque fut signé un avenant (c’était la seconde modification apportée au texte original) à la convention du 1er avril 1958 liant les deux pays : l’accord avait rendu imposables à partir du 1er janvier 2008, dans le pays de situation de l’immeuble, les revenus immobiliers ou les plus-values immobilières, même lorsque ceux-ci sont générés par une société soumise à un impôt équivalent à l’Impôt sur le Revenu des sociétés au Grand-Duché. Mais tous les problèmes de non-imposition n’avaient pas été réglés pour autant.
La signature du deuxième avenant avait tout de même marqué le début de la fin d’une époque bénie pour des fiduciaires luxembourgeoises aux activités monolithiques, qui n’avaient vécu que sur cette niche d’optimisation fiscale, en vendant à des clients français des structures de droit luxembourgeois pour détenir des propriétés dans leur pays sans payer d’impôt. La plupart de ces fiduciaires ne survivront pas à la normalisation.
En 1994, le Conseil d’État français, dans un célèbre arrêt, avait considéré qu’au regard de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, les revenus immobiliers de sociétés au Grand-duché et tombant dans la catégorie des bénéfices commerciaux devaient être imposés sur le lieu de l’établissement stable, c’est-à-dire au Luxembourg. Les Sages avaient toutefois considéré qu’un immeuble à lui seul ne constituait pas un établissement stable.
Toutefois en 2002, la Cour administrative luxembourgeoise faisait une autre interprétation de la convention de 1958, dans un autre arrêt célèbre (affaire Costa) en disant pour droit que les revenus des biens immobiliers situés en France revenant à une société de capitaux luxembourgeoise ne peuvent pas payer l’impôt au Luxembourg.
Rien que l’immobilier
Ce qui aboutit à une exonération fiscale des deux côtés de la frontière. Paris pressa alors les Luxembourgeois pour changer le texte, mais la renégociation de la convention s’avéra complexe. L’avenant de 2006 ne prit en compte que les revenus tirés de la détention directe d’un immeuble et pas ceux qui passaient par des sociétés intermédiaires.
Si les discussions, côté luxembourgeois, sont sensibles, c’est parce qu’il fallait veiller à ce que l’amendement ne touche pas aux exemptions du régime des participations de manière générale et ne concerne que les sociétés détenant majoritairement de l’immobilier, sans impacter les autres structures.
Selon le communiqué du ministère luxembourgeois des Finances, Paris et Luxembourg vont poursuivre leurs travaux de modernisation du texte de 1958, qui a besoin d’un sérieux ravalement.
Si l’imposition des salaires des frontaliers ne pose pas de gros problèmes, en tout cas pas similaires à ceux qui ont cours avec les frontaliers belges et allemands (les fiscs voisins mettant des bâtons dans les roues du contribuable frontalier), la fiscalité des pensions complémentaires (imposées à la source au Luxembourg et à la sortie en France) devrait être un des enjeux des discussions bilatérales.
Les discussions pourraient alors aller plus vite que celles qui ont eu cours autour des sociétés de participations investies dans l’immobilier, dans la mesure où le Luxembourg n’a plus rien à cacher et a pris résolument le chemin d’une finance durable.
Devant des étudiants de Sciences Po, Pierre Gramegna a d’ailleurs assuré que la «nouvelle transparence» allait à l’avenir «devenir une force pour notre place financière».
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