L’après Brexit
Point de vue de Robert Anthony
Quelles sont les conséquences probables de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne pour ce qui concerne les évolutions législatives et les échanges commerciaux ?
Il semble peu probable que le Royaume-Uni sera en mesure de prétendre à des accords économiques comme ceux qui ont été obtenus par l’Islande et la Norvège. Dans un contexte de séparation un peu amère et de pression protectionniste, il sera obligé de négocier une série de conventions bilatérales qui sera compliquée à finaliser et dont la mise en œuvre nécessitera forcément du temps. Ces traités devront être discutés directement sans passer par l’Union Européenne. Il en découlera en Europe un nouveau mode de relation.
A l’intérieur, tous les droits y compris le droit fiscal ne seront plus sous la tutelle européenne. Par contre la libre circulation des biens et des personnes risque fort d’être remise en cause. Que va-t-il advenir de tous ces professionnels transnationaux qui en bénéficient aujourd’hui ; leur avenir devient incertain.
Comme cela a été illustré dans la presse récemment, l’immigration au Royaume-Uni sera contrôlée de manière nettement plus drastique. Mais il pourra en être de même pour l’émigration vers l’Europe. Les fusions et acquisitions auront des conséquences fiscales car elles ne seront plus couvertes par la législation fiscale européenne. Quant au recouvrement des créances transfrontalières et de la TVA, les règles devront là aussi faire l’objet de nouveaux traités.
On le constate, un aspect inquiétant est que cette sortie pourrait ranimer des velléités de guerre fiscale avec la traditionnelle panoplie croisée et bilatérale de baisses d’impôts et d’augmentations des droits de douane.
Les aspects évoqués ci-dessus prendront du temps à s’aplanir, il faudra du temps pour créer un nouvel équilibre stable tant les intérêts sont contradictoires. L’Union Européenne, blessée par ce qu’elle estime au mieux être un abandon, au pire une traîtrise, considère d’ores et déjà et sans état d’âme qu’il y a là une opportunité majeure pour attirer de nouveaux sièges sociaux de grands groupes internationaux… Comme lors d’un divorce, il y a grand risque que les tractations soient crispantes !
Ceci doit toutefois être nuancé, l’Union Européenne n’est pas, loin s’en faut, un bloc homogène. Ainsi pour l’Allemagne, le Royaume-Uni devrait rester un marché important pour son industrie automobile. Le Royaume-Uni est partie prenante d’Airbus, ou Aérospatiale. Il y a des accords militaires à très long terme entre la France et le Royaume-Uni… Néanmoins le secteur des services financiers est considéré comme une grande opportunité pour l’Europe. Merkel sacrifiera-t-elle des parts de marché de son industrie automobile pour gagner d’autres parts dans d’autres domaines ? Tout dépendra des classes dirigeantes après 2017.
En attendant, les marchés internationaux ont sérieusement dévalué la Livre Sterling. On pourrait penser que cela rend le Royaume-Uni plus compétitif au niveau de ses échanges de biens et de services. Mais il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni importe beaucoup. Les dévaluations passées ont généralement montré un effet positif très temporaire. Ironie du sort, dans un contexte d’attaque terroriste notamment en France, la dévaluation a aidé le tourisme et adoucit les prix spéculatifs de l’immobilier à Londres et finalement encouragé les investisseurs étrangers. Personnellement, je suis pessimiste quant au taux de change actuel et considère que la Livre glissera encore 5 à 10% avec comme possible point bas la parité entre la Livre Sterling et l’Euro.
Au final, les incertitudes demeurent vives. Londres se bat fermement pour conserver sa communauté internationale, mais y réussira-t-elle ? Réussira-t-elle aussi à maintenir l’attractivité de sa place financière ? Les vraies décisions sont devant nous et les nouveaux dirigeants politiciens devront être à la hauteur pour trouver de nouvelles réponses, pour guérir la fracture entre le Royaume-Uni et l’Europe. Au-delà de ce contexte anxiogène, n’oublions pas quand même que le divorce n’est toujours pas consommé et que le pire n’est jamais sûr. Il reste de la place pour de belles surprises !